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Ravageurs, une lutte toujours plus complexe

Les dispositifs de lutte chimique se réduisent comme peau de chagrin et les impasses techniques sont proches. Alors les essais se multiplient pour évaluer des alternatives. Mais rien de très probant n’apparaît encore.

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Si le taupin reste le premier ravageur du maïs, il est de plus en plus secondé par d’autres nuisibles comme la mouche géomyze, les corvidés ou les sangliers. Ces trois-là sont parfois la première cause de perte de peuplement, voire de resemis. À propos, à quel niveau de dégâts faut-il prendre la décision de resemer une parcelle ? Arvalis estime qu’en dessous de 50 % de l’objectif de peuplement, la décision est raisonnable, même si le décalage de la date de semis que cela induit peut porter préjudice au rendement final. Dans tous les cas, il est déconseillé de sursemer car la concurrence des plants restants est trop importante.

Seulement deux molécules efficaces contre le taupin

Les attaques de taupins ont été plus rares en 2020 et 2021. Cette larve de coléoptère a un cycle long de plusieurs années et se localise en profondeur dans le sol. Elle a besoin de chaleur et d’humidité pour remonter vers la surface et se nourrir des parties souterraines de la plante. Ainsi, un sol sec et froid pendant la période de sensi­bilité (de la levée au stade 10 feuilles) limite les attaques. D’ailleurs, contrairement à une idée reçue, le décalage vers une date de semis plus tardive n’est pas un levier pour esquiver ce ravageur.

La nuisibilité du taupin peut être très importante : de 5 à 10 q/ha pour 10 % de plantes attaquées. Des expérimentations sont en cours pour tenter de limiter la population de taupins dans la parcelle – travail estival du sol, biofumigation par des plantes (moutarde d’Éthiopie), champignon pathogène (Met52) –, mais aucune solution concrète ne se présente à ce jour. La protection du maïs se limite à des produits microgranulés à base de pyréthrinoïdes et le choix des molécules efficaces s’est restreint : la cyperméthrine (Belem 0,8 MG) ou la lambda-cyhalothrine (Karaté 0,4GR, Trika…). Cette dernière apparaît comme la plus efficace dans les essais d’Arvalis. Avec ces deux produits, l’utilisation de diffuseurs, adaptés au semoir et convenablement réglés pour assurer une répartition optimale des microgranulés dans le sillon, est indispensable.

D’après les tests d’Arvalis, les produits à base de téfluthrine, Force 20 CS (traitement de semence : TS) ou Force 1,5 G (microgranulés), présentent une efficacité moindre que les deux matières actives précédentes. Idem pour Success GR, microgranulés à base de spinosad. Rappelons aussi que la protection contre la mouche à base de cyantraniliprole en TS (Lumiposa) n’est pas efficace contre le taupin.

Il existe une autre voie de protection du maïs : l’utilisation de plantes-appâts. En attirant les larves, elles servent à diluer les attaques dans la parcelle. Pour cela, elles doivent être semées à 10-15 cm de profondeur. Plusieurs essais ont été conduits et il semblerait que le mélange blé et maïs ou l’orge en pur soient les plus prometteurs. Si la technique a montré une certaine efficacité, elle a besoin d’être affinée : à quelle densité semer ces plantes-appâts ? Comment les positionner par rapport au rang de maïs ? Et, surtout, quand les détruire pour limiter la concurrence avec la culture ?

Face aux corvidés, le zirame en sursis

Même si les cultures de 2021 ont été moins affectées, grâce aux semis très groupés du printemps, les attaques de corvidés sont, dans nombre de régions, un véritable fléau. En Bretagne, les dégâts des choucas des tours seraient l’une des premières causes de re­semis. Après la disparition du thirame et du thiaclopride, il ne reste qu’un seul traitement de semences, en sursis lui aussi, le Korit 420 FS à base de zirame. Sa date de fin d’approbation par l’Union européenne ayant été repoussée au 30 avril 2022, il sera disponible pour les prochains semis. Mais cette solution n’est efficace qu’en cas d’attaques faibles à modérées des oiseaux. Et le zirame fonctionne tant qu’il y a des surfaces non traitées dans le proche environnement, sinon la faim est plus forte que la répulsion. Pour trouver une alternative, Arvalis a conduit récemment des essais avec plusieurs solutions de répulsifs, appliqués en plein après le semis ou en traitement de semences.

D’autres modalités ont été testées, comme l’agrainage de détournement, l’agrainage dissuasif (pimenté), le couvert végétal, ainsi que des solutions agronomiques, comme les rangs rappuyés ou les rangs effacés, la profondeur de semis, le délai entre la préparation du sol et le semis, etc. Aucune de ces solutions n’a été plus efficace que le témoin zirame. Pour 2022, le conseil d’Arvalis se limite donc à utiliser le Korit 420 FS (10 € par dose) quand la situation est à risque. Dans la mesure du possible, il faudrait aussi adapter l’itinéraire technique : éviter les semis décalés dans le temps et l’espace, éviter d’avoir une préparation de sol soufflé, rappuyer la ligne de semis pour enfouir au mieux le grain et, si les conditions le permettent, privilégier un semis profond (4-5 cm au minimum).

Contre la mouche géomyze, on cherche encore

En 2021, les attaques de géomyzes ont été importantes en Normandie, Bretagne et Pays de la Loire, où, d’après une enquête d’Arvalis, 25 % des surfaces auraient été touchées. Les dégâts sont souvent irréversibles et caractérisés par un dessèchement de la plante avec un gonflement du collet. La période de sensibilité va de la levée au stade 4 feuilles. L’environnement de la parcelle joue un rôle important dans la fréquence des attaques. Les parcelles froides, les zones bocagères ou la proximité de prairies augmentent le risque. Il n’y a pas d’effet du travail du sol ni de l’engrais starter.

En 2021, la dérogation nécessaire pour l’utilisation du traitement de semence à base de cyantraniliprole (Lumiposa) est arrivée trop tard. Pour 2022, l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) a déposé une nouvelle demande de dérogation pour le Grand Ouest, toujours en attente à ce jour. En 2021, un essai a démontré la bonne efficacité sur la géomyze des microgranulés Karaté 0,4 GR, appliqués à la dose de 15 kg par hectare avec les indispensables diffuseurs. Un programme de recherche a été enclenché pour tenter de trouver des alternatives : il s’agit de déterminer les facteurs biotiques et abiotiques pour avoir des modèles de prévision du risque. Cependant, on sait déjà que les auxiliaires de culture ont peu d’impact sur la géomyze.

Des pistes prometteuses pour éloigner les sangliers

Les sangliers occasionnent chaque année d’importants dégâts dans de nombreuses régions. Si ce n’est pas la seule culture concernée, le maïs est très vulnérable, souvent juste après le semis puis au stade grain laiteux. En 2020, Arvalis a évalué l’efficacité de différentes solutions répulsives sur le maïs : un produit répulsif gustatif, à base de piment, en traitement de semences (PNF) ; un produit répulsif olfactif appliqué avec des diffuseurs en bordure de parcelle (Hukinol) ; un équipement répulsif sonore à ultrasons (Doxmand VR8) ; et un engrais organique aux propriétés répulsives olfactives, en plein avant semis (Terragral Evolution). Les résultats sont toutefois à interpréter avec prudence car les attaques de sangliers sont hétérogènes et d’autres facteurs environnementaux difficiles à contrôler interviennent. Cette première étude, en début de cycle de la culture, n’a pas mis en évidence l’efficacité du répulsif sonore et du répulsif gustatif en traitement de semences. À l’inverse, on a constaté moins de parcelles attaquées avec le diffuseur Hukinol et l’engrais Terragral Evolution.

Toujours en 2020, un autre dispositif expérimental a été mis en place sur du maïs au stade grain laiteux avec trois modalités : le répulsif olfactif Hukinol, le répulsif sonore Doxmand VR8 et l’application de Tabasco sur le rang de bordure. Là aussi, les ultrasons n’ont pas limité les attaques de sangliers­, mais Hukinol et Tabasco ont montré des résultats encourageants. Hukinol a d’ailleurs confirmé un certain niveau de protection en 2021.

Pour 2022, Arvalis va poursuivre ses expérimentations en priorisant les modalités Hukinol et Terragral Evolution. Quant à Hukinol ou Tabasco, Arvalis rappelle qu’ils ne sont pas homologués en tant que produits phytopharmaceutiques et que la loi interdit donc de les utiliser pour la protection des cultures.

Dominique Grémy

© Claudius THIRIET - Les corvidés sont souvent la principale cause de resemis dans certaines régions.Claudius THIRIET

© Renko Usami - La mouche géomyze.

© Claudius THIRIET - Le taupin. La technique des plantes-appâts pour attirer les larves a besoin d’être affinée. L’usage des microgranulés reste la protection la plus sûre.

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